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Les derniers jours de ma mère (Nafadji Sory Condé)

1 octobre 2021

Il ya un an jour pour jour, ma mère Sanassa, institutrice de fonction pendant plusieurs années et dans plusieurs villes et villages, toujours en bonne santé et de bonne humeur, avec laquelle j’ai une ressemblance avérée sur le portrait physique a changé de monde.

Je me rappelle encore bien lorsque le jeudi 24 septembre 2020 au petit matin tout a commencé à Kankan. Ce jour à l’aube, elle s’est levée pour effectuer sa prière de l’aube comme d’habitude. A sa grande surprise, ses membres inférieurs ont refusé de répondre à ses ordres. Aussitôt évacuée à l’hôpital régional de Kankan, deuxième ville de Guinée, elle fût admise aux services des urgences. Après les premiers diagnostics un cas de diabète fût révélé, on l’orienta donc au service de diabétologie. Chose très surprenante parce que ma famille n’a aucun antécédent glycémique, mieux elle n’avait aucune prédisposition diabétique génétiquement .
Sa pathologie liée à un problème de nerfs, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de l’envoyer dans un autre hôpital plus compétent parce que ce grand hôpital de Kankan manque de spécialiste de neurologie. Tout compte fait des traitements d’urgence l’ont été administrés pour stabiliser son état. Une réunion familiale a eu lieu afin de prendre la décision de lui transférer soit à Bamako, capitale du Mali très proche avec une bonne route, soit à Conakry située à 662 km sur une route en chantier, où nous ses enfants vivons, à part l’aîné de notre famille qui vit au près du père et de la mère à Kankan. Le conseil familial a enfin décidé de transférer la patiente à Conakry et nous, ses enfants, avons négocié les services d’une ambulance pour que ce voyage harassant sur une route quasi impraticable, se passe dans les conditions optimales sous une surveillance médicale. Après avoir obtenu ce service, l’ambulance, avec à son bord un médecin en cabine, la patiente et deux membres de la famille comprenant notre frère aîné et la coépouse de ma mère, quitta Kankan, lundi 28 septembre à destination de Conakry. Toutes les dispositions avaient été prises pour les accueillir à l’hôpital de Donka.
Mardi 29 septembre 2020 à 13h00, l’ambulance poussiéreuse nous trouva au camp boiro, où il y a un détachement médical de l’hôpital Donka qui se trouvait en chantier. Je saluai ma mère, couverte de poussière, qui parlait toujours normalement même au téléphone durant le trajet. Je découvrai l’intérieur d’une ambulance inconfortable, poussiéreuse sans aucune commodité très loin de l’idée que je me faisais d’un voyage médicalisé. Beaucoup nous avaient conseillé pourtant de louer plutôt un taxi à la gare routière de KANKAN qui est plus confortable et moins cher. Mais on avait préféré un voyage dans une ambulance médicalisée qui ne l’était que sur papier.
Ensuite, l’ambulance s’est dirigée vers les urgences de l’hôpital de Donka où les urgentistes ne sont jamais pressés d’accueillir les patients. Après moult tractations et le payement des frais d’urgence, difficile d’y trouver des brancardiers pour faire descendre la malade de l’ambulance et il a fallu que nous mêmes, nous y mettons de la pression afin que finalement, elle n’accède aux services d’un médecin. La première consultation aux urgences a révélé qu’elle ne souffrait pas de diabète. Les médecins nous ont demandé de la transférer au service de neurologie pour établir un autre diagnostic.
Vers 15h00, elle était transférée au service de neurologie de l’hôpital Donka situé sur l’aile du camp Boiro. À 16h00, elle fut consultée par un neurologue qui nous recommanda de faire un scanner le lendemain matin à la caisse nationale de sécurité sociale afin de connaître le vrai diagnostic. La nuit, nous avons reçu beaucoup de visites familiales et nous avons bien parlé . Elle même était très soulagée et a appelé au téléphone le papa resté à Kankan pour lui faire le compte-rendu de la journée.
Le mercredi 30 septembre, tôt le matin, j’ai rejoint ma mère, mon épouse et mon jeune frère à la caisse nationale de sécurité sociale qui est le centre de diagnostique le plus avancé du pays. Dans la salle d’attente, ma mère et nous causions normalement. Elle nous taquinait même de ne pas lui avoir donnée son petit déjeuner. Nous lui répondions qu’après le scanner, nous lui donnerons son déjeuner préféré.
À 9h00 déjà, nous l’aidions à entrer au service de l’imagerie médicale et nous nous sommes restés à l’attente. Trente minutes plus tard, les médecins faisaient sortir ma mère du scanner, quasiment inconsciente et tremblotante. Mais, qu’est ce qui s’est passé dans le scanner ? Disions nous à un médecin. Il nous répondit : Allez y emmener votre mère au près de son médecin traitant immédiatement et dites lui de m’appeler.
Nous avons fait entrer notre mère dans le véhicule de mon jeune frère sur le siège avant près du conducteur en faisant pencher ce siège de telle sorte que sa tête était posée sur mes pieds alors que j’étais assis à l’arrière du véhicule. Mon frère conduisait le véhicule et mon épouse était assise à ma gauche sur le siège arrière. Pour ceux qui connaissent la ville de Conakry, nous avons quitté la CNSS, pris la corniche de Teminetaye pour sortir de Kaloum à une heure matinale où les travailleurs entre au centre ville dans une ville aux embouteillages légendaires. Je voyais la respiration de notre mère ralentir au fur et à mesure que nous sortions de Kaloum ; nous étions très fébriles et voulions atteindre l’hôpital Donka au plus vite. Je sais qu’avant d’atteindre Donka, elle avait expiré la tête sur mes pieds et dans le véhicule de mon frère. Je n’ai pas voulu trop les paniquer en pleine circulation et nous sommes arrivés à Donka au camp Boiro à l’unité où elle était hospitalisée. On nous reçoit et on a fait sortir la maman du véhicule pour l’emmener aux services de réanimation où il n’y avait personnes. Tout compte fait, il n’y avait plus peut-être rien à faire. Les médecins oscultent ma mère après nous avoir fait sortir de la salle. Quelques minutes plus tard, nous avons pris ma mère dans un brancard et on l’a monté à l’étage par les escaliers et les femmes qui nous avaient vu monter ont commencé à crier et à pleurer en commençant par mon épouse. Les médecins nous ont appelés et à huis clos, nous ont annoncé la terrible nouvelle en ces termes : “Croyez en Dieu qui vous a créés. Vous avez tout fait pour sauver votre maman. Mais Dieu en a décidé autrement. Elle n’est plus de ce monde. Vous qui êtes les hommes, allez y sensibiliser et consoler les femmes. Nous allons transférez le corps de votre mère à la morgue de Donka, les frais de transport internes d’un service à l’autre à l’intérieur de l’hôpital est à la charge de l’hôpital. On redescendit avec le corps de notre mère et je suis monté avec elle dans l’ambulance pour la morgue de Donka où contrairement à ce que le médecin nous a dit, on nous exigera de payer les ambulanciers. Lorsque j’ai voulu protesté un peu, ce n’est pas le montant à payer qui pose problème, mais le principe. On me rétorqua sèchement: “c’est pour ta maman que tu le fais, on ne meurt qu’une fois”. Ils n’avaient peut-être pas totalement tord et mon esprit était ailleurs. La nouvelle se répandit et toute la famille fut informée. J’étais très déçu du système sanitaire de mon pays et probablement, je ne saurai jamais de quoi elle était décédée. Son heure était arrivée et je ne saurais pas non plus qu’est-ce qui lui est arrivé dans cette machine appelée scanner. Dans une société conservatrice comme la nôtre, vouloir chercher en savoir plus ou demander des comptes apparaîtra comme un déficit de croyance. Ma mère Sanassa, enfant de l’indépendance comme je l’appelais affectueusement puisqu’elle est née en 1958 a vécu 62 ans, jusqu’à cette date fatidique du 30 septembre 2020. La décision de la famille fut de ramener son corps à Kankan et nous avons dû appeler la croix rouge pour faire un test de Covid19 qui s’est avéré négatif et l’ANSS nous a délivré le certificat nous autorisant de transporter le corps pour Kankan. Les amis de la famille et les parents sont venus nous tenir compagnie à la morgue de l’hôpital Donka et le soir à 19h00, nous avons tous quitté Conakry pour Kankan où l’inhumation eût lieu le vendredi 02 octobre au cimetière de Senkefra, le quartier qui abrite la concession familiale à Kankan.
Je crois ou je me convainc que Maman était venue nous dire à Dieu et un an, jour pour jour, je me souviens de ses derniers instants. Je tiens à remercier mes amis, alliés, collaborateurs et la famille pour nous avoir aidé à traverser cette dure épreuve :la perte d’une maman. Puisse l’âme de notre défunte mère repose en paix.

Ton fils Nafadji Sory Condé

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Last modified: 1 octobre 2021

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