Il s’agit surtout de l’Afrique francophone, un ensemble de pays anciennement colonisés par la France en grande partie et par la Belgique. Avec ces pays, la France n’a cessé, en dépit de leur indépendance dans les années « 60 », d’entretenir des relations économiques, diplomatiques et sécuritaires privilégiées.
Pour nourrir ses industries de hautes technologies dans le domaine du nucléaire par exemple, la France, à travers la société Areva, a recours à l’uranium nigérien qu’elle exploite d’ailleurs dans des conditions fort contestées par la société civile et les ONG internationales. Il est reproché à cette société de ne pas payer un prix équitable au Niger.
La France a besoin des voix des États africains dans l’enceinte des organisations internationales pour faire triompher ses positions. Elle a aussi besoin de ces pays pour la survie de sa langue. Une langue cernée de toute part par l’anglais et de plus en plus par le mandarin en Afrique. Sans oublier qu’une partie de sa sécurité interne se joue en Afrique, ce continent si proche. C’est pour prévenir les attaques terroristes sur son territoire qu’elle s’est militairement engagée aux côtés des États africains dans le Sahel, même si on constate aujourd’hui la montée en flèche d’un sentiment antifrançais dans les pays de cette région, à cause notamment des difficultés de ses forces armées de venir à bout du terrorisme.
Tous les chefs d’État français de la cinquième République se sont attachés à préserver le caractère spécial des relations franco-africaines et à maintenir l’Afrique dans une forme de coopération préjudiciable à son émancipation. Mais comme le montre le récent sommet Afrique-France, tenu en octobre 2021 à Montpellier sous le président Emmanuel Macron, les relations franco-africaines sont désormais très questionnées par la jeunesse et la société civile africaines. Rien n’échappe à ce questionnement, le FCFA, cette monnaie, symbole de la pérennité du lien colonial que huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (EMOA) ont en partage. Il y a aussi l’existence des bases militaires françaises dans le continent au travers d’obscurs accords de défense de plus en plus dénoncés. Au Ruanda, sous François Mitterrand, on a vu comment la mise en œuvre de ces accords a facilité la tâche aux génocidaires hutus en 1994.
C’est en cette période de questionnement des relations franco-africaines, de nécessité impérieuse de leur rénovation, qu’Éric Zemmour choisit de se porter candidat à la présidence de son pays en 2022. Si le contenu de son discours sur ces relations demeure faible, on est néanmoins frappé par la forte volonté de rupture qui s’en dégage. À moins d’être rattrapée par la realpolik en Afrique, comme tous les présidents français depuis de Gaulle, l’ambition de Zemmour de remettre à plat les relations franco-africaines, si jamais il devient président, rencontrera à coup sûr l’adhésion massive de la jeunesse et de la société civile africaines qui ne rêvent que de deux choses : la fin de la Françafrique, cette forme de coopération incestueuse entre la France et l’Afrique et l’adaptation de cette coopération aux exigences de démocratie, de transparence, de liberté et surtout d’égalité.
Éric Zemmour sera aussi une chance pour le plein déploiement de la Russie, de la Chine et de la Turquie en Afrique. Toutes des puissances rivales qui rêvent de détrôner la France partout où elle exerce son influence. Par ses idées, Éric Zemmour fera l’affaire de tous ceux qui espèrent fêter le déclin de la France en Afrique. C’est donc aux Français et non aux Africains de s’inquiéter de son arrivée à l’Élysée.
Youssouf SYLLA
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Last modified: 6 décembre 2021