Les députés Yansané Bintou Touré, Abdoulaye Kourouma et Boubacar Diallo, ont été radiés du groupe parlementaire Alliance patriotique. Un groupe parlementaire dirigé par Dembo Sylla. Ce jeudi 15 juillet, dans la salle de conférence Mohamed Koula Diallo, de la Maison de presse, les trois députés ont rejeté cette décision. Et ont écrit au président du parlement, Amadou Damaro Camara.
Lire ci-dessous la déclaration
Honorable Mme Yansané Bintou Touré Conakry le 13 juillet 202
Honorable Abdoulaye Kourouma
Honorable Boubacar Diallo
A Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale de Guinée
Objet : Lettre réponse à la « décision » de
Radiation de trois députés du groupe Parlementaire
Alliance Patriotique.
Monsieur le Président,
En notre qualité de citoyens, nous avons l’honneur de porter à votre connaissance nos observations relatives à la lettre de notre radiation du Groupe parlementaire « Alliance patriotique » qui vous a été adressée sous la signature du président dudit groupe.
Nous nous adressons à vous avec tout le poids de notre responsabilité de députés, pour vous informer et partant toute l’institution de la représentation nationale sur la réalité profonde de cette « décision » sans rime ni raison, à laquelle, nous sommes sûrs, que l’opinion nationale ne sera pas insensible.
Pour nous les députés, il va sans dire que la législature actuelle doit s’efforcer de garantir les conditions même de l’exercice de la fonction de député et de bannir tout acte qui rappellerait des pratiques condamnables d’un autre âge, celui de l’inquisition. La démarche du Groupe parlementaire de l’Alliance patriotique a montré que cette pratique est encore très présente en ce début de la IVème République au sein de notre Institution parlementaire.
À l’appui de notre protestation, nous invoquons les points suivants:
– D’abord l’Assemblée nationale baigne dans un désordre normatif qui ne dit son nom, nourri par des incohérences juridiques çà et là dans nos textes, ce qui a permis au groupe parlementaire Alliance Patriotique d’inventer des comportements en marge du droit.
Ensuite, monsieur le Président de l’Assemblée nationale, loin de nous la prétention de vous orienter dans votre attitude, nous estimons à notre humble avis et avec votre permission que, vous n’êtes ni constituant, ni législatif, ni politique, mais simplement juridique en matière administrative. Vous ne faites pas le droit, vous n’exercez pas en dehors du droit, vous ne pouvez que constater dans le cas présent, si l’orthodoxie administrative en la matière a été respectée pour éventuellement envisager d’acter la prétendue décision qui en définitif n’a aucune existence réelle.
En effet, il n’existe aucun document attestant la prise d’une décision de radiation en plénière du groupe. Même pas un Procès-verbal. Tout au plus il dispose d’une manifestation d’intention faite dans la précipitation et traduite par la lettre du 07 juillet transmise à votre attention.
D’où résulte cette conséquence :
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale en votre qualité de chef de l’administration parlementaire, en l’espèce vous n’avez d’autre mandat que de déterminer exactement si son Règlement Intérieur notamment à son article 28 sous l’empire de laquelle la « décision » de radiation semble avoir été prise, prévoit d’abord une procédure, ensuite si oui cette procédure a été respectée par l’auteur de l’acte de radiation.
En l’absence de toute disposition précise en la matière, on ne peut que se référer aux principes généraux du droit.
Que disent les principes généraux du droit ?
Un principe général du droit oblige l’administration à faire précéder certaines de ses décisions, qui les méritent tout particulièrement en raison de leur caractère et de leurs effets, d’une procédure contradictoire.
Les principes généraux du droit jouent un rôle structurant dans la construction d’un droit qui encadre l’activité et les décisions de l’administration.
Les “droits de la défense” lorsqu’ils sont exercés devant l’administration active, signifient que la personne visée par la décision doit être informée à l’avance, et donc mise à même de faire valoir son point de vue avant la prise de la décision , Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
D’où cette seconde conséquence :
Pour fixer le droit, il reste uniquement à déterminer ces modifications et leur portée.
La disposition est parfaitement claire en apparence. Cependant, elle soulève dans son application une difficulté qui, nous l’avouons, ne nous paraît pas être qu’une affaire d’interprétation et de sens commun. L’auteur cite l’article 28 du Règlement Intérieur qui dispose : « les modifications de la composition d’un Groupe sont portées à la connaissance du Président de l’Assemblée nationale :
- Sous la signature du Président du Groupe, s’il s’agit d’une radiation ;…»
Mais cet article est muet sur la procédure et les conditionnalités pouvant entraîner ladite radiation.
Quelle est sa portée ?
Peut-on comprendre qu’un président du Groupe parlementaire dispose d’un pouvoir discrétionnaire ou que la dictature de la majorité s’impose à la minorité sans aucune forme de procès ? Les minorités sont-elles taillables et corvéables à merci ?
Le bon sens démontre aussi que s’il est vrai qu’il y avait indiscipline, malveillance et autres de notre part comme ils le prétendent, elles ont été supportées avec une indulgence coupable pendant un temps assez long pour que cette tolérance devienne une complicité avérée du Groupe lui-même et engage sa responsabilité.
La lettre de notre radiation qui vous a été adressée prend la forme en ce XXIème siècle d’une véritable « lettre de cachet » qui, sous l’Ancien Régime en France, servait à la transmission d’un ordre particulier du roi, permettant l’incarcération sans jugement, l’exil ou encore l’internement de personnes jugées indésirables par le pouvoir.
Nous donnons par cette affaire un triste reflet de notre institution et un mauvais exemple aux générations futures.
Puis, au-delà des arguments fallacieux utilisés pour justifier la« décision de radiation », on veut aussi s’attirer les faveurs du Président de l’Assemblée en arguant que nous nous sommes joints aux frondeurs contre celui-ci et présenté la candidature de Abdoulaye Kourouma pour une deuxième fois du groupe.
Nous sommes un groupe parlementaire pas une secte en dévotion devant un gourou.
Le fait d’être membre d’un Groupe parlementaire ne fait pas du député l’obligé dudit Groupe. Nous sommes titulaires d’un mandat de représentation de la Nation toute entière, donc du peuple dans son intégralité, en conséquence nos opinions et nos positions sont libres. Pour cela nous n’entendons pas être soumis à des instructions précises et ponctuelles du Groupe. Les motifs invoqués montrent que le Groupe parlementaire astreint ses députés à une forme déguisée de mandat impératif, puisque nous sommes tenus pour individuellement comptables pour avoir eu des opinions différentes des membres de l’Alliance patriotique. Nous n’accepterons jamais un tel mécanisme politique tant bien d’un point de vue idéel que pratique parce qu’il nous semble peu compatible avec les principes de la démocratie,et qui plus est, apparaît comme une entreprise de destruction de l’idée que nous nous faisons de la souveraineté nationale.
Il n’y a pas de menace encore moins de pression capable de forcer, ni d’ébranler notre volonté, comme le pense quelques naïfs. Nous avons tous notre libre arbitre, et il n’y a rien qui nous contraigne.
Notre désir de nous « opposer autrement » est de voir tous les guinéens échanger et vivre dans la détente et dans une communion d’idée est intacte. Mais à l’épreuve des faits, pour certain et en plusieurs occasions, cette bonne intention n’a servi qu’à vouloir nous envoyer vers l’assouvissement d’intérêts particuliers,d’objectifs obscurs et inavouables ou vers le chaos. C’est dans ce dessein que celui qui voulait se donner à être vu en protecteur œcuménique des droits de l’homme et de la paix s’est embourbé dans un combat politique d’arrière-garde sans souffle et sans issue.
Nous nous exprimons ici avec la franchise de citoyens libres. Dans le Groupe nous cherchions des collègues et aujourd’hui nous ne voyons que des accusateurs. Dans toute organisation il y a des règles de bienséance qui s’imposent à tous. Tout propos violent et déplacé peut entrainer une réplique à la hauteur de l’offense. C’est bien ce qui s’est passé ce vendredi 3 juillet quand l’Honorable Abdoulaye Kourouma a riposté à des injures de l’Honorable Baadiko Bah avec la même intensité et le même ton. C’était la réponse du berger à la bergère. En tout état de cause, bien qu’étant le benjamin, il bénéficie en la circonstance d’excuse de provocation. C’est évident !
Sommes-nous donc les seuls députés pour lesquels il n’existerait aucune loi, ni aucune forme ?
Certes que la capacité du chef de file de l’opposition à étendre ses ramifications et dicter sa loi au Groupe à travers un président aux ordres est établie, mais aussi, nous savons que d’autres forces occultes agissantes, et pas des moindres, sont impliquées et cachent leur perfidie dans cette vaste cabale.
Dans ce cas, quel devrait être le cadre précis de votre action ?
Pour décider avec certitude, il faut s’inspirer du mobile qui a porté le Groupe parlementaire à initier notre radiation. La solennité de l’affaire, sa marche imposante, requièrent la nécessité de discuter, de décider avec maturité car il s’agit d’un précédent très grave.
À l’analyse des faits, il s’avère en l’occurrence que nous sommes victimes des représailles du chef de file de l’opposition qui a joint l’acte à la menace de notre radiation quelques jours plus tôt, lors d’une réunion du groupe parlementaire organisé à son domicile et qui, dit en passant, n’est pas le lieu approprié pour une telle rencontre. Cette décision est prise non parce qu’il existe une incompatibilité d’humeur ou une quelconque indiscipline au sein du Groupe qui aurait dû être sanctionné neuf mois plus tôt, mais plutôt c’est parce que le chef de file de l’opposition et son oncle, le président du groupe parlementaire Alliance patriotique, ont une culture de sujétion des collaborateurs et une conception patrimoniale du pouvoir. Nous sommes des députés et pas des sujets et nous ne soumettrons jamais aux élucubrations d’un chef de file de l’opposition versatile qui catalyse les angoisses de son échec politique certain et qui dévoile les intrigues de son pouvoir mal légitimé.
Ainsi, après réflexion, il nous est apparu nécessaire et logique de vous éclairer sur les contours de la situation et de ses enjeux sous-jacents. Nous avons l’obligation, pour notre honneur et celui de notre fonction mais aussi par respect pour notre Institution et de nos concitoyens de rétablir les choses dans leur vrais contextes.
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Le contexte particulier de notre pays et l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés, vous donnent le droit d’avoir à temps l’information juste et précise afin que vous puissiez agir si vous le souhaitez, dans les délais requis. Telles sont les raisons qui motivent notre présente lettre.
Les vérités désormais vous les connaissiez, nous vous laissons en apprécier l’importance, et d’en juger l’opportunité d’ouvrir une enquête parlementaire sur la question.
Sachez pour notre part, que nous ferons feu de tout bois, quoi que cela puisse nous coûter, pour rétablir notre honneur injustement souillé. Nous nous tenons à votre disposition pour toute fin utile.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre salutation distinguée.
Ont signé
Honorable Mme Yansané Bintou Touré
Honorable Abdoulaye Kourouma
Honorable Boubacar Diallo
Ampliations :
Président du groupe Parlementaire RPG-ARC EN CIEL
Président du groupe Parlementaire ALLIANCE PATRIOTIQUE
Président du groupe Parlementaire LES REPUBLICAINS
Bhoye Barry pour guinee7.com
00224 628 705 199
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Last modified: 16 juillet 2021